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mars 2022

FOCUS
Words
Pierluigi Masini

La Technologie

Par définition, la technologie est indispensable à la résolution de problèmes pratiques. C'est son essence même. Elle n'a pas la valeur extatique de l'art, elle n'appelle pas à la méditation ni ne stimule les réflexions profondes, elle ne génère aucun contraste dans notre vision du monde. La technologie n'est pas une contemplation et ne nous interroge pas : elle résout. Elle active dans notre esprit des processus cognitifs répondant aux besoins qui sont à la base de la pyramide de Maslow qui caractérise l'homme depuis ses origines : allumer un feu, cultiver la terre, fabriquer des outils pour se défendre et attaquer, concevoir un récipient pour l'eau.

Les grecs utilisaient un seul et unique mot pour désigner capacité et habileté, qu'elles soient mécaniques ou qu'elles appartiennent à la sphère spirituelle. Il s'agissait du mot tèkhne et s'appliquait aussi bien à un produit qu'à une œuvre d'art. Tèkhne indiquait également la manière de faire une chose, d'aimer ou de faire la guerre, ce que les latins appelaient ars amandi ou ars bellandi, et encore de nos jours, quand une chose a été menée à son terme correctement, il est d'usage de dire qu'elle a été faite dans les règles de l'art. Ainsi, si nous prenons la racine du mot, nous découvrons que la technologie et l'art, qui, pour être plus clair, s'étendent aujourd'hui d'Elon Musk à Damien Hirst, étaient autrefois étroitement liés.

Un rapide changement de décor et nous arrivons à la naissance du design, qui prend racine dans les révolutions industrielles anglaises, qui représentent la volonté de rendre le monde meilleur, à commencer par les objets du quotidien, comme les meubles et la vaisselle. Et les maisons également.
Innovations technologiques et beauté, goûts et courants de pensée, production industrielle et artisanat, art qui (sans perdre de sa valeur) passe de pure contemplation à un niveau différent de praticité et d'usage. Ces mots semblent contradictoires mais si vous observez aujourd'hui les prix de certaines pièces de design d'Eileen Gray lors de ventes aux enchères, vous comprendrez que je ne fais pas fausse route.

Venons-en maintenant à Edra. Pas uniquement parce que j'écris dans son Magazine, mon intention d'attirer la bienveillance des lecteurs ne serait que trop évidente. Mais parce que je souhaite mettre en avant un détail qui la distingue de la multitude d'entreprises fabriquant des canapés. Au cours de son histoire, Edra a toujours exploité la tèkhne pour sa beauté ainsi que pour sa capacité à résoudre des problèmes pratiques. Suivons alors ce raisonnement : quelle mission Edra s'est-elle donnée ? Quel besoin souhaite-t-elle combler ?

Précisément celui que nous ressentons tous dès notre naissance. Edra propose de garantir le bien-être des personnes. L'homme veut se sentir bien et il poursuit cet objectif de façons très variées, sans pour autant trouver le bon chemin. Pour Edra, bien-être rime avec santé, relaxation, confort, détente. Tout ce qui touche au territoire de l'otium, un champ fertile de pensées divagantes, libres de devenir d'heureuses découvertes, capables de porter loin, car lorsque le corps ressent une sensation de bien-être, l'esprit laisse libre court à son imagination.

Beauté et bien-être, si nous y pensons, répondent aux deux sens de tèkhne et d'un point de vue plus large, comprennent les deux sphères de la forme et de la substance, deux catégories de la pensée aristotélicienne. Mais sans faire affront à la philosophie, nous pouvons admettre que la substance est la véritable essence des choses, celle qui les distingue. Même si dans le monde du design, le mot « substance » a été remplacé par un mot dérivé plus pratique, la fonction. « Form follows function » (la forme suit la fonction) est la règle édictée par l'architecte américain Louis H. Sullivan. D'un point de vue matériel, il semble évident qu'une certaine fonction utilise une certaine substance.

EDRA PROPOSE DE GARANTIR LE BIEN-ÊTRE DES PERSONNES. L'HOMME VEUT SE SENTIR BIEN ET IL POURSUIT CET OBJECTIF DE FAÇON TRÈS VARIÉES. POUR EDRA BIEN-ÊTRE RIME AVEC SANTÉ, RELAXATION, CONFORT, DÉTENTE.

Edra aime la substance, dans tous les sens du terme. D'où la difficulté d'utiliser le mot « design », que vous ne trouverez que très rarement dans ce Magazine, et dans toute la communication de l'entreprise, tant il a été galvaudé et utilisé à tort et à travers au fil des années, au point d'en perdre toute signification. Le sens commun de ce terme s'insère souvent dans la tendance, déborde dans le superflu et finalement s'effondre dans la surenchère. Edra parle le langage de la substance des choses et de la beauté du projet. C'est pourquoi elle ne veut pas entrer dans ce contexte, au point de renoncer à ce mot que tout le monde s'approprie, souvent mal à propos.

Je suis allé consulter l'un des livres de mémoires écrit par Alessandro Mendini et publié en 2004, intitulé sobrement : Écrits. Une collection d'articles publiés dans les revues dont il fut le directeur, d'interventions, de réflexions sur des personnalités et des entreprises. Mendini consacre la page 329 à Francesco Binfarè, qu'il définit en 1979 comme un « curieux anti-designer, anti-manager, anti-intellectuel etc.. » Un homme « anti » était idéal pour Edra, présenté à Valerio et Monica Mazzei par Massimo Morozzi, représentant du mouvement radical et alors directeur artistique. Edra confie à Binfarè des projets aux allures d'œuvres d’art, des canapés jamais vus jusque-là, des canapés qui font rêver.
Récits d'aventures : des histoires déjà écrites, à la recherche de nouveaux protagonistes.

Dès lors, depuis 1993 et son premier projet, l'Homme et la Femme, un canapé à configurer selon l'usage que l'on souhaitait en faire, Binfarè a réalisé une série de projets, tous devenus des produits emblématiques d'Edra.
Bien entendu, le fait de pouvoir disposer le coussin et l'accoudoir selon ses envies est une grande idée, cela donne vie au canapé et renforce la promesse de l'entreprise : « the greatest comfort, elegance and performance » (le confort, l'élégance et la performance les plus élevés). La technologie est présente, mais ne se voit pas. Il serait plus facile de découvrir le visage de l'épouse de l'inspecteur Colombo ou la recette originale du Coca-Cola® que l'intérieur d'un canapé Edra. Cette technologie, faite de bras articulés insérés dans des matériaux de revêtement, est connue sous le nom de « coussin intelligent » mais vous ne trouverez jamais une photo « nue » de cette technologie fonctionnelle permettant différentes configurations selon le confort que vous souhaitez obtenir. Cela vaut également pour le Gellyfoam, un matériau breveté qui garantit dès les premiers instants une sensation de relaxation épanouissante. Encore un secret bien gardé. Encore un détail conservé, par nécessité et par choix, à l'abri des regards.

CAR COMME LE CHANTENT JOHN LENNON ET PAUL MCCARTNEY DANS STRAWBERRY FIELD "LIVING IS EASY WITH EYES CLOSED/ MISUNDERSTANDING ALL YOU SEE". VOUS REGARDEZ UN CANAPÉ EDRA POUR SA BEAUTÉ. MAIS VOUS LE COMPRENEZ LORSQUE VOUS VOUS Y ASSEYEZ

Il est difficile de communiquer certaines idées sans les montrer, le regard que l'on porte sur les choses guide nos choix. J'entends par là que nos choix se basent souvent sur la forme ou la couleur d'un objet, influencés ces derniers temps par une longue abstinence vis-à-vis de la matérialité à laquelle la pandémie nous a contraints. Cela se vérifie avec les voitures : qui a déjà acheté une voiture pour sa direction assistée ou son arbre à cames, sa puissance de couple ou encore ses suspensions ? Les voitures se vendent grâce à leur ligne et car elles représentent l'émanation d'une personnalité, d'un statut social.

Edra a développé la beauté des formes et la richesse des matériaux tout en tenant sa promesse : garantir le bien-être des personnes. La technologie, et les investissements qui l'accompagnent, est souvent utilisée par les entreprises pour rénover le processus productif, pour la numérisation, pour le renouveau 4.0. Il arrive plus rarement de rencontrer des investissements sur le produit, sur la recherche et le développement des matériaux même si la course à la durabilité, autre mot surexploité, fera changer la donne.

Dans le cas d'un canapé Edra, au-delà de l'impact visuel (sphère de la beauté), la technologie entre en jeu uniquement lors du moment de vérité, à savoir lorsque l'on s'installe et que surviennent ces sensations qui, associées les unes aux autres, donnent instantanément le sourire. Car, comme le chantent John Lennon et Paul McCartney dans Strawberry Fields, « Living is easy with eyes closed/misunderstanding all you see ». Vous regardez un canapé Edra pour sa beauté. Mais vous le comprenez lorsque vous y asseyez.


Pierluigi Masini

Journaliste professionnel, diplômé en littérature avec une spécialisation en histoire de l'art, deux masters en marketing et communication. Il enseigne l'histoire du design à la Raffles Milano et le design d'interieur et la durabilité à la Yacademy. Il a écrit un livre sur Gabriella Crespi.

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